1 April 2021 | Richard Bauckham | 0 commentaires

Confinement, Genèse et notre besoin de nature

Vous souvenez-vous des premières semaines de confinement, la « grande pause » où il n’y avait pas de circulation routière et très peu de bruit humain ? En me promenant sur une route habituellement très fréquentée, j’avais l’impression de remonter le temps jusqu’à l’époque où les véhicules motorisés n’existaient pas encore.

Ce que tout le monde a remarqué à cette époque, c’est le chant des oiseaux. Il y en avait tellement plus et tellement plus forts. Les gens ont en discuté la raison. Les oiseaux chantaient-ils vraiment plus fort ? Ou bien étaient-ils plus nombreux à se déplacer dans nos jardins maintenant que les humains n’étaient plus là ? Ou bien était-ce simplement parce que nous les entendions mieux sans le bruit humain omniprésent ? Récemment, j’ai lu que des recherches ont montré que, oui, nous les entendions mieux, mais que les oiseaux chantaient en fait plus doucement. En effet, ils n’avaient pas besoin de chanter aussi fort pour se faire entendre des autres oiseaux. Mais l’absence de bruit de circulation nous a également permis de mieux les entendre.

Parmi toutes les difficultés et l’isolement du confinement, de nombreuses personnes ont déclaré se sentir plus proches de la nature. Même les personnes sans jardin ni campagne à proximité se sont rendues au parc pour faire de l’exercice au quotidien et se sont réjouies des espaces verts et du chant des oiseaux. Les gens ont trouvé que la nature est consolante et thérapeutique. Nous le savons instinctivement, mais le confinement a donné une nouvelle conscience de la nature à de nombreuses personnes. Nous avons besoin des autres créatures qui partagent notre monde, pas seulement pour des raisons utilitaires, mais aussi parce que, dans un sens très profond, nous appartenons à un tout. Nous ne pouvons pas être nous-mêmes sans eux.

Nous aurions pu apprendre cela de la Genèse. Lorsque Dieu a créé Adam à partir de la poussière de la terre, la première chose qu’il a faite ensuite a été de planter un verger pour qu’Adam puisse y vivre. Pas un jardin au sens où nous l’entendons, mais une forêt avec de nombreux arbres fruitiers dont Adam pouvait se nourrir. La Genèse dit : « tout arbre qui est agréable à la vue et bon à manger ». Les arbres étaient destinés à nous nourrir, mais ils devaient aussi nous ravir par leur beauté. Dieu a voulu que les humains vivent avec les arbres. Et nous savons maintenant que la vie sur cette planète ne pourrait pas perdurer sans les arbres qui absorbent le dioxyde de carbone et fournissent un environnement pour un grand nombre d’espèces. Les arbres sont nos meilleurs amis. Mais pendant des siècles, nous les avons abattus, nous avons défriché les forêts pour faire place à la culture. Nous sommes devenus si doués pour la destruction que nous déboisons la planète à une échelle démesurée. Ce n’est que très tard que nous avons pris conscience de notre besoin existentiel d’arbres et que nous avons commencé à reboiser. Mais ce sursaut de bon sens ne peut rivaliser avec la destruction quotidienne des forêts tropicales ou les feux de forêt qui font rage à une échelle sans précédent dans les forêts d’Australie et de Californie, et même de Sibérie.

Puis Dieu créa les animaux. Cette histoire a deux facettes. D’un côté, le message est que les animaux ne pouvaient pas fournir le partenaire dont Adam avait besoin, un partenaire de sa propre espèce. Adam avait besoin d’une Eve. Ou Eve avait besoin d’un Adam : ce n’est pas une histoire qui privilégie le mâle. Elle peut tout aussi bien être racontée dans l’autre sens : Dieu crée d’abord Eve et il s’avère qu’elle a besoin d’un Adam. Quoi qu’il en soit, les humains ont besoin d’autres humains.
Mais voici l’autre version de l’histoire : Adam donne des noms à tous les animaux. Certains commentaires vous diront qu’il s’agit d’une affirmation de l’autorité ou de la maîtrise d’Adam sur les animaux. Mais il n’y a aucune preuve de cela. Lorsque les scientifiques découvrent une espèce inconnue et lui donnent un nom latin, ils n’affirment pas leur domination sur elle. Ils la reconnaissent et attestent de son existence en lui donnant une place sur notre carte du monde humain. Lorsque les parents donnent un nom à un enfant, ils n’affirment pas leur autorité sur lui. Ils le reconnaissent comme une personne qui a besoin d’un nom pour être connue dans le monde humain. Ainsi, Adam, le premier taxonomiste, reconnaît toutes les autres espèces qui ont une place dans son monde.

Barbara Jones, « Adam donnant un nom aux animaux » (fresque)

Barbara Jones, Adam donnant un nom aux animaux (fresque)

J’aime cette image (de Barbara Jones) parce qu’Adam ne domine pas les animaux. Il regarde et pense. Nous ne devrions pas imaginer qu’Adam a nommé les animaux de façon rapide et arbitraire. Pour nommer un animal, Adam doit y réfléchir, apprendre à le connaître, penser à un nom qui lui conviendra. Il apprend à connaître ses voisins et ses amis, toutes les créatures que Dieu a faites pour vivre avec lui dans cette belle forêt où la vie est possible. Et les nommer, c’est sûrement leur donner une place permanente dans le monde qu’il connaît. Il ne s’attend certainement pas à ce qu’elles disparaissent de sitôt. Lorsqu’il baptisa le premier couple de rhinocéros blancs du Nord, il aurait sûrement été consterné de savoir que beaucoup d’entre nous ont récemment vu sur leurs écrans de télévision les deux derniers rhinocéros blancs du Nord, mère et fille.

Si, pendant le confinement, nous nous sommes réjouis d’un sentiment renouvelé de notre relation avec la nature, nous devons également être conscients que cette dernière disparaît à une vitesse alarmante. Dans le monde entier, comme nous le savons tous maintenant, le taux d’extinction des espèces, plantes et animaux, est stupéfiant. Il existe un taux d’extinction naturel qui se produit sans intervention humaine, assez lentement pour que de nouvelles espèces aient le temps d’évoluer. Mais le taux d’extinction est aujourd’hui au moins 100 fois plus élevé et continue de s’accélérer. Certains écologistes utilisent un acronyme pratique (en anglais) pour résumer les activités humaines les plus destructrices responsables d’une extinction massive :

Ce sont les cinq façons dont nous, les humains, détruisons la création de Dieu, et la pire d’entre elles est la destruction de l’habitat. Un million d’espèces sur huit millions sont aujourd’hui menacées.
Nous pouvons bien sûr rejeter la faute sur d’autres personnes. Nous pouvons blâmer les nouvelles classes moyennes aisées d’Asie qui alimentent l’expansion du trafic international illégal d’animaux sauvages comme l’adorable pangolin. Comment peut-on ne pas vouloir que les pangolins survivent ?  Nous pouvons blâmer les gens qui trouvent que le défrichement des forêts tropicales est un moyen rapide et facile de gagner de l’argent. Nous pouvons blâmer beaucoup d’autres personnes – et elles méritent d’être blâmées. Mais c’est un système dont nous faisons tous partie. Comment pouvons-nous cesser d’y prendre part ?

Nous pouvons tous faire de petits pas et nous devons tous réfléchir à ce qu’ils pourraient être pour nous dans notre propre vie. Peut-être avons-nous fait quelques pas dans le passé et il est temps de réfléchir à ce que nous pouvons faire d’autre. Ce que Genèse 2 nous dit, c’est que nous n’étions pas destinés à être les destructeurs de la terre que nous sommes devenus. Nous étions destinés à être les partenaires des arbres. Nous étions censés donner de la reconnaissance et de l’espace aux autres espèces.

[*] Je tiens à préciser que les hippopotames ne sont en aucun cas responsables de ces effets.

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Catégories: Réflexions
Sur Richard Bauckham

Le professeur Richard Bauckham est un bibliste et un théologien dont les travaux universitaires ont porté sur de nombreux domaines, en particulier la théologie du Nouveau Testament et, plus récemment, les approches bibliques des questions environnementales. Parmi ses livres, citons Bible and Ecology (2010) et Living with Other Creatures (2011). Jusqu’en 2007, il était professeur d’études du Nouveau Testament à l’université de St Andrews, en Écosse, et a pris une retraite anticipée (à Cambridge) afin de se concentrer sur la recherche et l’écriture.

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