Une mauvaise semaine et de bons souvenirs
Adaptation autorisée du blog de Chris et Alison Walley.
Cela allait être une bonne semaine, et bien non. Nous commençions à profiter de notre nouvelle maison et avions aussi la visite de notre plus jeune fils et de sa famille. Puis, mardi midi, sous la chaleur du soleil provençal qui nous inondait, nous avons reçu l’effroyable nouvelle qu’un terrible accident de voiture en Afrique du Sud avait fait trois victimes: nos amis de longue date à A Rocha, Chris et Susanna Naylor ainsi que Miranda Harris dont le mari Peter avait survécu et se trouvait à l’hôpital.
La mort de Miranda nous émeut profondément. Elle était vraiment une femme inoubliable qui incarnait la grace que donne le Christ. Elle était attentionnée et donnait de l’importance à chaque personne qu’elle rencontrait.
Toutefois, ici, c’est de Chris et Susanna que nous aimerions parler et raconter le rôle qu’ils ont joué dans la conservation des marais d’Aammiq ainsi que dans la fondation d’A Rocha Liban.
Ma femme Alison et moi avons fait la connaissance de Chris et Susanna lors d’un événement mondain à Beyrouth en octobre 1995. Ils venaient d’arriver dans la Vallée de la Bekaa comme travailleurs chrétiens et ce fut rapidement évident qu’ils étaient les deux des naturalistes passionnés et en phase avec nos idées de démarrer un projet de conservation de l’environnement. Nous connaissions A Rocha, mais eux n’en avaient que vaguement entendu parler. Nous nous sommes retrouvés à la fin de l’année et avons abondamment discuté de questions environnementales. Pour la première fois, nous avons parlé d’Aammiq, une région dans la Vallés de la Bekaa qui avait été une grande zone de marais d’importance internationale – classée site Ramsar – avant le début de la guerre civile en 1975. Depuis, elle s’est dégradée au point où un éminent environnementaliste libanais m’a dit en 1995 « Aammiq est finie.»
Elle n’était pas « finie» , mais sérieusement menacée. Après les visites de différentes personnes y compris Peter et Miranda Harris, nous avons compris que quelque chose pouvait être fait et que les Naylors – qui n’habitaient qu’à 10 km – étaient les bonnes personnes pour diriger le travail. Et c’est exactement ce qu’ils ont fait; puis, très bientôt, il y avait quelque chose que nous commencions à appeler « A Rocha Liban ». (Un tournant important car ce deuxième projet transformait A Rocha, une organisation locale basée au Portugal, en une organisation internationale.)
Alors que les portes s’ouvraient largement de façon miraculeuse, et que le projet Aammiq se dévelopait, nous avons collaboré étroitement avec Chris et Susanna. Naturellement, je passais plus de temps avec Chris soit sur le terrain dans les marais, soit dans des réunions à Beyrouth, mais nous étions bien conscients de l’importance du rôle de Susanna en tant que mère, maîtresse de maison et hôtesse patiente dans le contexte agité, curieux et souvent frustrant du village de Qabb Elias dans la Bekaa.
Ce n’était pas l’endroit le plus facile où habiter. Pour commencer, le village était situé dans une région du Liban que l’ambassade anglaise considérait comme dangereuse pour ses citoyens juste pour une visite, sans parler d’y habiter en permanence. Les grondements de l’artillerie dans la Bekaa méridionale étaient un bruit de fond parfaitement normal et les raids aériens de l’aviation israélienne sur les différentes « cibles militaires » de la vallée n’étaient pas rares. Il y faisait aussi un temps glacial en hiver avec des grosses couches de neige et des chaleurs torrides en été. La route qui menait à Beyrouth – qui grimpait jusqu’à plus de 1500 mètres – était d’une difficulté légendaire avec des postes de contrôle de l’armée syrienne, des amoncellements de neige en hiver et un taux d’accidents élevé qui faisait frémir.
La zone humide elle-même était un défi. Des gens y pratiquaient souvent de la chasse non réglementée et c’était difficile de trouver quel propriétaire foncier possédait quelle parcelle. Pendant les premières années, une rangée de tanks et de blindés syriens, orientés vers le sud, marquaient la bordure nord de la zone humide.
Cependant, dans cet environnement peu prometteur, Chris et Susanna ont énormément accompli. Ils avaient étudié l’arabe et faisaient de gros efforts pour apprendre le dialecte local. De cette façon, ils se sont fait beaucoup d’amis et de contacts. Chris était particulièrement doué pour travailler aux côtés des gens et sans tarder il gagna l’amitié -et certainement le respect- des propriétaires fonciers, des chasseurs et de toutes sortes d’individus qui transitaient par Qabb Elias. Il était habité d’une grace et d’une douceur qui apaisaient même les hommes qui en brandissant des armes automatiques avaient – ou disaient qu’ils avaient – de l’autorité sur cette partie de la Bekaa. La capacité de Chris à se faire des amis était évidente lors de réunions sans fin avec les propriétaires terriens, dans les différents ministères à Beyrouth et avec les autres ONGs concernées. Lorsque j’étais avec lui, j’en ressortais toujours impressionné par son courage, sa sagesse et sa grâce. Dans une culture qui fonctionne par le biais de contacts, loyautés ou obligations les uns envers les autres, l’intégrité franche et inébranlable de Chris et Susanna était impressionnante. Chacun savait qu’ils ne pouvaient pas être soudoyés ni manipulés et cela voulait dire que l’on pouvait leur faire confiance.
Chris était un excellent naturaliste; il avait un esprit scientifique de première classe, de riches connaissances, une énergie sans bornes et le monde naturel était sa plus grande joie. Il n’était pas qu’un bon écologiste de terrain, il avait un profond désir de comprendre l’ensemble de la situation, comment tous les éléments de la géologie aux pratiques agricoles dépendaient les uns des autres.
On pourrait encore dire beaucoup de choses sur ce que Chris et Susanna ont fait, comme le montrent les différentes histoires que leur familles et amis partagent autour du monde. Ils ont joué un rôle remarquable en accueillant des visites de toutes sortes, quels que soient leur nombres, qu’ils soient des amis des oiseaux, de l’environnement ou simplement des curieux. Ils ont aussi joué un rôle important auprès des églises en les encourageant à réfléchir à leur devoir envers la préservation du monde naturel. Sans cacher leur engagement chrétien ils ont établi des liens forts dans plusieurs communautés en passant par dessus leurs profondes divisions sectaires qui avaient éclaté brutalement pendant les quinze années de la guerre civile.
Pour finir, Aammiq fut sauvée. Bien que de nos jours A Rocha ne joue qu’un petit rôle dans sa gestion, la zone est préservée sur une base légale et équipée d’un éco-restaurant fréquenté avec vue sur les marais. De même que les cèdres dont la Bible nous parle, elle est considérée comme une des richesses naturelles du Liban. C’est dans une large mesure grâce au labeur de Chris et Susanna que ce site a été préservé.
Chris mentionne quelques unes de leurs actions dans son livre Cartes postales du Moyen-Orient, mais de même que ceux qui étaient là, nous savons que la modestie typique de Chris l’a poussé à minimiser aussi bien leurs exploits que les difficultés auxquelles lui et Susanna ont fait face. Et des difficultés il y en avait! Cependant, Chris et Susanna savaient ce à quoi ils s’engageaient, quels en étaient les risques et les défis. C’est un engagement lucide, intelligent et réfléchi envers le Liban, son peuple et ses richesses naturelles qui les caractérisait. Au yeux d’un visiteur occasionnel, Chris et Susanna pouvaient paraître imperméables à l’effet des frustrations usantes, des crises perpétuelles et des profondes tensions de ce Liban qui se relevait juste d’une guerre civile et qui n’était pas à l’abri d’une récidive. Ceux d’entre nous qui les connaissaient savaient combien leur engagement leur coûtait. Pourtant, ils étaient habités par un sens profond de leur appel chrétien et de leur confiance en Christ qui les faisait avancer au travers de et par-dessus tous les obstacles.
Alison et moi sommes restés en contact avec eux après notre départ en 1998. Chris, plus que jamais soutenu avec compétence par Susanna, continua à construire des amitiés et à déveloper le travail dans la zone d’Aammiq ainsi que renforcer la présence nationale d’A Rocha Liban. A leur retour en Grand-Bretagne, nous avons été ravis d’apprendre la nouvelle de son nouveau rôle au sein d’A Rocha International et nous avons continué de nous voir et de communiquer régulièrement.
Il est tentant d’imaginer ce que Chris et Susanna auraient pu accomplir s’il leur avait été accordé de longues années. Il vaut peut-être mieux célébrer ce qu’ils ont accompli dans le temps qui leur a été donné. Pour répondre à leur appel chrétien, Chris et Susanna ont choisi de s’enterrer dans un des endroit les plus difficiles du Moyen-Orient. Cependant, ce qu’ils y ont accompli est prodigieux. Ce n’était pas juste la préservation d’Aammiq – combien de personnes ont sauvé un site Ramsar?- mais comme ils ont touché tant de vies, encouragé tant d’individus et démontré à tous qu’il y a de la cohérence entre le fait d’être chrétien(-ne) engagé(e) et de prendre soin de l’environnement.
Que pourrait-on dire de plus ou de mieux sur aucun de nous?
Traduction : Irène Kelliny-Gaulis
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