Que je mette l’amour
La Saint-Valentin peut n’apparaître que comme le produit de notre culture matérialiste et superficielle : dans les rayons des commerces, les marchandises de Noël cèdent la place aux cœurs roses, aux cartes sucrées et aux cadeaux kitsch. Ca, je ne le dirai surtout pas à ma femme, qui compte bien recevoir une carte et des fleurs et aller dîner en amoureux au restaurant !
C’est que l’amour, pour qu’on le sente réel, a besoin d’actes. Je peux toujours lui dire que je n’ai pas besoin de lui offrir une carte pour lui montrer que je l’aime, et ce sera vrai. Mais alors j’aurais l’impression de ne pas avoir fait d’effort… à moins de faire quelque chose de vraiment original et gentil à la place.
Dans la fameuse prière de Saint François d’Assise, on trouve l’injonction « que je mette l’amour ». (En réalité, cette prière n’a pas été écrite par Saint François, bien que certaines parties soient peut-être l’œuvre de son compagnon, le bienheureux Gilles ; voir l’article de Wikipédia.) Cela m’a fait réfléchir à l’amour, et aussi à la protection de la nature car l’amour, c’est comme de semer un champ de légumes ou de prendre soin du monde naturel. Aimer, jardiner et protéger la nature sont des entreprises risquées, qui impliquent que l’on donne sans être certain de recevoir quoi que ce soit en retour. Ce sont des investissements d’émotions, d’efforts et de temps qui ne portent pas instantanément des fruits (bien que l’amour puisse parfois l’être) et qui demandent d’être nourris et choyés pendant longtemps, « pour le meilleur et pour le pire ».
Quand je pense « que je mette l’amour », je pense à certains de mes collègues chez A Rocha dans le monde et au dévouement avec lequel ils consacrent leur vie à protéger les forêts, les récifs de coraux, les jardins urbains et leurs communautés humaines et non humaines. Comment, autrement que par l’amour, expliquer plus de 30 ans de travail précaire, et parfois impopulaire, pour protéger le Ria d’Alvor au Portugal ? Quelle autre justification que l’amour pour le projet fou de planter et d’arroser des baliveaux de huarango dans les déserts côtiers du Pérou ? Pourquoi, sinon par amour (et pour la science), passer des centaines d’heures à piéger les prédateurs non natifs afin de sauver un oiseau de mer, le pétrel noir qui porte le merveilleux nom local d’oï et qui niche dans des terriers sur une montagne de Nouvelle-Zélande ? Comme l’écrit Saint Paul, l’amour « supporte tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout ».
Aujourd’hui, il est beaucoup question du prix de la nature, des services des écosystèmes et du capital naturel. Mais c’est l’amour, et non l’argent, qui suscite des mouvements passionnés de protection de la vie sauvage et des écosystèmes. Il faut des considérations sur la valeur économique de la nature pour persuader les politiciens et autres décideurs, mais il faut surtout toucher le cœur des gens. Nulle part dans les Écritures, on ne lit « alors Dieu fit une analyse coût-bénéfice et décida que le monde méritait d’être sauvé », mais « Dieu a tant aimé le monde… »
Alors, au risque de succomber à ce mercantilisme que j’ai critiqué, je voudrais semer une idée. Pour la Saint-Valentin, même si vous n’avez personne à qui déclarer votre flamme, pourquoi ne pas prendre un risque, vous jeter à l’eau et faire quelque chose par amour pour la création divine ? Pas à la place d’un cadeau pour votre aimé(e) (sinon ma femme n’aimerait pas ça !) mais en plus ? Pourquoi ne pas mettre de l’amour dans un des cadeaux de la boutique en ligne Gifts with a Difference d’A Rocha, prendre le risque d’investir dans des arbres, des briquettes de charbon de bois ou des ruches pour les plus démunis, et nourrir ainsi quelques germes d’espoir dans le beau et fragile monde de Dieu ?
Traduction: Suzanne Assénat
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