L’encyclique du Pape – maintenant que les choses se sont calmées
La publication de l’encyclique du Pape François sur l’environnement, Laudato Si’ – sur la sauvegarde de la maison commune, a suscité un énorme intérêt des médias qui se sont engagés dans une recherche véhémente de petites citations percutantes. Naturellement, les commentaires sur le changement climatique ont fait les gros titres, de même que certaines phrases particulièrement virulentes telles que ‘la terre, notre maison commune, semble se transformer toujours davantage en un immense dépotoir’[1], ainsi que les réactions impulsives, déplorables mais attendues, de certains commentateurs de partis conservateurs. Maintenant que les choses se sont calmées, que pouvons-nous retirer de l’incursion papale dans les affaires environnementales ? Comment s’accorde-t-elle avec la vision d’A Rocha d’une protection de la nature basée sur les principes de la bible et de la communauté?
Premièrement, et sans surprise, c’est un document très catholique, avec de nombreuses citations de papes précédents et un appel à Marie la ‘Mère et Reine de toute la création’.[2] L’encyclique se positionne pleinement dans la tradition de la doctrine sociale catholique, un ensemble important (et profondément biblique) de pensées abordant des aspects sociaux, économiques et politiques d’un point de vue théologique. Parce qu’elle est si catholique et si substantielle, Laudato Si’ a déjà des répercussions considérables à tous les niveaux de l’église catholique mondiale ; et cela va également concerner A Rocha. D’ores et déjà J’ai entendu que certaines paroisses catholiques se tournent vers A Rocha en quête d’intervenants pour les aider à comprendre la protection de la création. Il nous incombe de tendre une main amicale dans un esprit fraternel chrétien et agir ensemble là où c’est possible.
Deuxièmement, bien que Laudato Si’ s’adresse avec une grande autorité aux catholiques, l’encyclique a également une portée universelle. Le Pape François déclare ‘qu’outre l’Église catholique, d’autres Églises et Communautés chrétiennes – comme aussi d’autre religions – ont nourri une grande préoccupation et une précieuse réflexion sur ces thèmes qui nous préoccupent tous’.[3] Des références à des écrits soufis sont mentionnées [4], ainsi qu’une longue citation du Patriarche œcuménique orthodoxe.[5] Parce que la terre est ‘notre maison commune’, nous devons tous mettre de côté nos divergences et rassembler nos ressources pour enfin faire face au désordre que nous avons créé. A Rocha a toujours agi selon le principe qu’un travail commun avec ceux qui ont d’autres croyances ou n’ont en pas, ne compromet en rien notre fidélité à Jésus Christ et aux vérités bibliques. Au contraire, un engagement direct dans les débats et l’action nous offre l’opportunité de témoigner de l’espérance qui nous anime.[6]
Troisièmement, l’encyclique est singulièrement complète et mérite d’être lue dans sa totalité. On y trouve des éléments substantiels sur la préservation de l’environnement marin, [7] l’expérimentation animale,[8] les cultures transgéniques,[9] la mondialisation et la technologie [10] pour n’en citer que quelques-uns. L’approche de l’économie et de la politique est bien plus nuancée que ce que laissent penser les quelques phrases choc récupérées par la presse. Par exemple, la doctrine sociale catholique a systématiquement critiqué le communisme et le capitalisme et a été un catalyseur clé de l’effondrement du communisme dans l’Europe de l’Est au cours des années ’80. Il n’est donc pas étonnant que Laudato Si’ intègre les idées écologiques avec leur portée sociale, économique et politique. Personnellement en questionnement sur la manière biblique d’aborder le point de rencontre entre économie et écologie, je salue cet ajout important, ainsi que le rapport récent ‘Restorative Economy’ de Tearfund, [11] et les ouvrages tels que Prosperity without Growth de Tim Jackson.[12] Le concept d’une ‘écologie intégrale’ présenté dans l’encyclique [13] me semble particulièrement constructif de par ses réflexions sur le travail, la justice inter-générationnelle et les valeurs culturelles et écologiques. Par exemple : [14]
‘Cela nous empêche de concevoir la nature comme séparée de nous ou comme un simple cadre de notre vie. Nous sommes inclus en elle, nous en sommes une partie, et nous sommes enchevêtrés avec elle.… Les possibilités de solution requièrent une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature.‘
Bien que la vocation d’A Rocha soit spécifiquement la conservation de la biodiversité, cette vision intégrative ne doit jamais être perdue de vue. Les projets qui lient la protection de la faune à la réduction de la pauvreté, comme les projets d’A Rocha au Kenya, en Inde, au Ghana et en Ouganda sont ainsi particulièrement pertinents.
Quatrièmement, et d’un intérêt particulier pour A Rocha, l’encyclique accorde une attention à la préservation de la biodiversité. Le pape y condamne la marchandisation des habitats et des espèces. Ces dernières sont ainsi considérées comme ‘ressources naturelles’ ‘en oubliant qu’elles ont une valeur en elles-mêmes.’[15] l’encyclique lance également un appel spécifique pour la protection de l’Amazonie et le bassin du fleuve Congo et une exhortation pour une coordination internationale afin d’en empêcher la destruction. Si parmi vous se trouvent d’éventuels donateurs, prêtez l’oreille… et pensez à A Rocha ! [16]
‘Il est nécessaire d’investir beaucoup plus dans la recherche pour mieux comprendre le comportement des écosystèmes et analyser adéquatement les divers paramètres de l’impact de toute modification importante de l’environnement. En effet, toutes les créatures sont liées, chacune doit être valorisée avec affection et admiration, et tous en tant qu’êtres, nous avons besoin les uns des autres.’
Enfin, l’Encyclique s’ouvre avec une parole du Cantique des Créatures de Saint François, illustrant l’importance du nom choisit par le Pape. Les crises environnementales majeures auxquelles nous sommes confrontées ne peuvent être résolues uniquement par la science, l’éducation ou de ferventes campagnes de mobilisation. La prière et une louange joyeuses, centrées sur Jésus Christ, sont notre plus grande ressource. Voici quelques paroles à lire, mais également à méditer [17] :
‘Si nous nous approchons de la nature et de l’environnement sans cette ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement, si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats. En revanche, si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément. La pauvreté et l’austérité de saint François n’étaient pas un ascétisme purement extérieur, mais quelque chose de plus radical : un renoncement à transformer la réalité en pur objet d’usage et de domination. … Le monde est plus qu’un problème à résoudre, il est un mystère joyeux que nous contemplons dans la joie et dans la louange.’
Amen!
[1] Paragraphe 21, p.19
[2] Para. 241, p.182
[3] Para. 7, p.7
[4] Note 159, p.175 (du para. 233, p.175)
[5] Paras 7-9, p.7
[6] 1 Pierre 3:15
[7] Para. 174, p.134
[8] Para. 130, p.101
[9] Paras 133-135, pp.103-105
[10] Para. 102-114, pp.79-89
[11] http://www.tearfund.org/en/about_you/campaign/report
[12] Earthscan, 2009
[13] Chapitre 4, paras 137-162, pp.107-124
[14] Para. 139, p.108
[15] Para. 33, p.27
[16] Para. 42, p.33
[17] Paras 11-12, p.10-12
Image: Vitrail de Saint François, église de Sainte Juthwara et Sainte Marie, Halstock, Dorset, Angleterre – photo de Michael Day
Traduction: Felicity Hall / Valérie Coudrain
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