De l’espoir dans un monde post-vérité
L’Oxford English Dictionary a annoncé que son ‘Mot de l’année 2016’ au Royaume-Uni et aux États-Unis est ‘post-vérité’. En cette année qui a vu tant de campagnes de division, à l’instar du Brexit et de l’élection présidentielle américaine, ainsi qu’une montée de l’extrémisme politique à travers le monde, il est évident que nous sommes entrés dans une ère malsaine de crainte et d’incertitude, ne sachant plus que croire et à qui faire confiance.
A Rocha n’est pas une organisation politique et n’appartient à aucun parti ; ses sympathisants ont voté des deux côtés au Royaume-Uni comme aux États-Unis. Cependant, A Rocha défend une position claire en ce qui concerne la place de la nature – la création de Dieu – dans les discours politique et les prises de décisions. Et c’est là que la définition en ligne de la ‘post-vérité’ par l’Oxford Dictionary est instructive :
“qui fait référence à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles”
Le fait est que les faits ne comptent plus tellement. les gens ne font pas confiance aux statistiques. La science est perçue comme étant politique. Comme George Marshall l’a affirmé pendant des années [1], ‘les gens sont peu animés par les faits et les chiffres … les gens sont animés par des valeurs partagées, une identité commune et le sentiment d’appartenance.’ [2] La vérité, dans le contexte du vingt-et-unième siècle, n’est pas définie objectivement, mais en termes des communautés sociales et virtuelles dans lesquelles nous nous immergeons.
Pour les scientifiques et les défenseurs de l’environnement, habitués à ce que les arguments factuels guident les décisions politiques, cette situation est profondément troublante. Pour les chrétiens, qui depuis la Révélation utilisent des arguments rationnels pour porter la cause de Dieu et la réalité de la résurrection, c’est tout aussi troublant. Pourtant, je voudrais suggérer un aspect positif à cela, qui est lié à la manière dont A Rocha a toujours travaillé.
On trouve dans les évangiles cette exclamation de Ponce Pilate, ‘Qu’est-ce que la vérité ?’ – des mots qui auraient très bien pu être prononcés lors d’un débat électoral actuel. Toutefois, Jésus ne parle pas de la vérité comme d’une proposition ou une preuve, mais comme d’une chose à laquelle appartenir et en définitive de lui-même comme ‘le chemin, la vérité et la vie’. La vérité se trouve dans la relation, et peut-être que la raison la plus profonde qui explique que nous vivons dans un monde de la ‘post-vérité’ est la dislocation des relations ; entre les politiciens et les citoyens, entre les différentes cultures et ethnicités (‘xénophobie’ ou peur des étrangers a été choisi mot de l’année 2016 par Dictionary.com en fonction du volume de recherches sur la web), et bien sûr entre l’humanité, la création et Dieu.
Les valeurs centrales d’A Rocha sont relationnelles, ancrées dans le long-terme, basées sur la communauté et des projets de conservation interculturels. En prenant part au travail d’A Rocha, la vie en communauté interculturelle nous fait prendre conscience de vérités dérangeantes à propos de nous-mêmes, car nous découvrons nos propres préjugés et notre besoin de changer. Nous prenons conscience de vérités amères sur la façon dont nous avons abîmé le monde précieux de Dieu, alors que nos études à long terme témoignent de l’érosion croissante de la diversité de la création. Cependant, nous rencontrons également des vérités plus porteuses d’espoir. Nous voyons la vérité de nombreuses vies changer lorsque les gens obtiennent des revenus durables, lorsque les communautés comprennent que prendre soin de la création signifie prendre soin de leurs propres enfants, lorsque les églises deviennent des ‘Eco Churches’ (éco-églises), lorsque des personnes brisées trouvent la guérison et un sens à leur vie en servant Jésus parmi d’autres personnes confrontées aux mêmes souffrances. Nous discernons des signes de rédemption dans la restauration d’habitats endommagés, dans le miracle de la résilience de la nature et en récoltant les fruits de nos projets d’agriculture et élevage. Nous avons une réelle espérance dans cette vérité que la vision d’A Rocha, restaurer la relation entre Dieu, l’humanité et la planète par un travail pratique à long terme, fleurit dans une multitude de contextes différents – urbains et ruraux, marins et forestiers – dans diverses cultures sur tous les continents habités.
Dans Howard’s End, le romancier E. M. Forster lance cet appel « Ne vivez plus fragmentairement … Reliez. » Si un monde post-vérité est la conséquence de relations fragmentées, alors relier en restaurant les relations dégradées est un moyen de rétablir l’espoir et la confiance et de redécouvrir la vérité. Les solutions politiques exceptionnelles sont trop éloignées. La vérité commence à la base. Elle est semée lorsque nous nous reconnectons à Dieu, aux autres et à la planète dans nos contextes locaux. Elle porte du fruit au fur et à mesure que nous comprenons notre interdépendance et découvrons le plaisir dans les petites choses. Une graine de moutarde peut sembler petite et insignifiante, mais elle croît et s’épanouit. Un jour, un enfant est né … tout petit, sans défense, insignifiant, du moins en apparence. Pourtant, « la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père. »
[1] George Marshall, Don’t Even Think About It: Why Our Brains Are Wired to Ignore Climate Change (Bloomsbury, 2014)
[2] Présentation “Communicating Climate Change” (Communiquer le changement climatique) lors du colloque “Faith for the Climate” (Foi pour le climat), Londres, 2016
Traduction: Valérie Coudrain
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