Notre orgueil entraîne-t’il la chute de la terre ?
Un tournesol en automne – crédit : André Taissin
À votre avis, quels sont les principaux problèmes environnementaux ? La perte de la biodiversité ? La pollution ? Les changements d’affectation des sols ? Vous pourriez sans doute dresser une longue liste, mais je ne sais pas combien d’éléments y figureraient avant que vous n’écriviez “orgueil”, “injustice” et “cupidité”, qui semblent tous être des problèmes environnementaux dans la Bible hébraïque.
Le psaume 104 explore le but de la création. Le monde créé révèle Dieu, reflétant sa gloire et sa bonté – Dieu qui “déploie les cieux comme une tente” et qui a “posé la terre sur ses fondements” (Psaume 104, 2 et 5). À son tour, la création loue Dieu – “toutes les créatures regardent vers [Dieu]” (Psaume 104, 27). Mais au-delà de cela, il y a deux autres éléments de la téléologie de la création dans la Bible hébraïque qui sont moins positifs. À la fin du psaume 104, le psalmiste lance un cri passionné contre le mal et la méchanceté après avoir vanté les merveilles de la terre et la puissance créatrice et durable de Dieu : “Que les pécheurs disparaissent de la terre et que les méchants ne soient plus” (Psaume 104, 35). Il ne s’agit pas pour le psalmiste de se lamenter sur l’existence de l’humanité au sein du monde créé, mais plutôt de reprendre des thèmes que l’on retrouve ailleurs dans les textes prophétiques. Premièrement, la terre elle-même pleure et se lamente sur le péché de l’homme (par exemple Osée 4,1-3). Deuxièmement, la critique prophétique contre l’injustice invoque la terre elle-même (par exemple, Amos 8:4-8).
Nous n’avons pas l’habitude d’attribuer un rôle à la création ou de considérer qu’il existe une relation entre Dieu et le monde créé qui existe indépendamment de nous, qui ne nécessite ni notre médiation ni notre approbation. Et pourtant, cette relation est clairement décrite dans la Bible hébraïque. Le psaume 104 présuppose une interaction entre la providence de Dieu et l’action ou l’agence naturelle attribuée aux créatures de Dieu (versets 14-18). Il n’y a pas de contradiction entre l’action divine et l’action naturelle dans l’esprit des auteurs bibliques : Dieu prévoit et réalise le dessein divin ; la création agit en réponse. Il suffit de penser au langage du Psaume 104:14 “Tu fais pousser l’herbe…” et de le comparer à celui de Genèse 1:24 “Que la terre produise”. Tout ce que la création est et fait est une réponse à l’être de Dieu et à son action dans le monde.
En effet, le psaume 104 reflète la structure des jours de la création dans Genèse 1, passant de la description des merveilles cosmiques, telles que la formation de la lumière et la création des cieux, à ce que nous pourrions appeler l’écologie terrestre. L’univers créé de Genèse 1 fonctionne comme Dieu l’avait prévu, et le Psaume 104, tout comme Job 38-39, nous rappelle sous forme poétique l’activité créatrice de Dieu.
Le cri d’alarme lancé à la fin du psaume contre la méchanceté humaine s’inscrit dans ce contexte. Nous faisons partie du monde créé, mais si nous pouvons agir sans égard pour les autres, qu’ils soient humains ou non, nous ne pouvons agir de la sorte sans conséquence. Notre orgueil pécheur a un impact sur la terre, et la terre crie vers Dieu.
Il est intéressant de noter que la description de l’être humain de loin la plus répandue dans la Bible hébraïque, à partir de Genèse 2, fait référence à notre caractère éphémère – comme l’herbe qui se fane, les fleurs qui se fanent ou, comme ici dans le Psaume 104, le retour à la poussière après la mort (Psaume 104:29). Nous sommes encouragés ici à nous rappeler que nous aussi, nous sommes faits pour louer Dieu, et que nous aussi, nous appartenons à la communauté de toute la création. Plutôt qu’un orgueil égocentrique, nous devons adopter une humilité autocentrée, consciente de notre caractère éphémère et de notre mortalité, et de notre dépendance à l’égard de Dieu.
Pour un article complet sur ce sujet, voir : https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/1756073X.2022.2069541
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Sur Hilary Marlow
Le Dr Hilary Marlow est une bibliste qui effectue des recherches et écrit sur la foi et l'environnement. Elle occupe plusieurs postes académiques au Girton College, à Cambridge, et enseigne l'Ancien Testament à la Faculté de théologie de l'Université de Cambridge.
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