L’œuvre d’une vie dans la conservation
Simon Stuart
Au cours de sa carrière, Simon Stuart a été président de la Commission de la sauvegarde des espèces de l’UICN, directeur de la conservation stratégique chez Synchronicity Earth, et dernièrement directeur exécutif d’A Rocha International. En 2020, il a reçu le prestigieux Blue Planet Prize pour son rôle dans la création de la Liste rouge. Nous lui avons demandé de nous faire part de ce qu’il a appris au fil des ans.
Quand avez-vous commencé à vous identifier à un défenseur de l’environnement ?
Si vous aviez demandé à mes parents quand j’ai commencé à travailler dans le domaine de la conservation, ils vous auraient répondu à l’âge de quatre ou cinq ans, lorsque j’ai commencé à protéger divers insectes du jardin ! Je ne me souviens pas d’un moment où je n’ai pas su que c’était le travail que je voulais faire. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui ont nourri mon intérêt précoce – en m’achetant des livres d’identification, en trouvant quelqu’un pour m’emmener observer les oiseaux et en me faisant découvrir l’histoire naturelle à chaque occasion.
Qu’est-ce que cela signifie d’être un défenseur de l’environnement ?
Au départ, ma conception de la conservation était très étroite et j’avais tendance à assimiler la conservation à la biologie et à l’écologie. Cependant, lorsque j’ai rejoint l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) en 1985, j’ai découvert que je travaillais avec des personnes véritablement engagées, issues de toutes les disciplines et de toutes les cultures – juristes, spécialistes des sciences sociales, communicateurs, éducateurs, économistes, experts en politique, et bien d’autres encore.
Être un défenseur de la nature, c’est défendre la cause de la nature et de tous ceux qui en dépendent. Nous dépendons tous de la nature, et la nature est également digne d’être défendue en tant que telle ! Je constate de plus en plus que faire ce travail de protection de la nature, c’est aussi défendre la cause des personnes en situation de pauvreté, et je suis de plus en plus sûr que la protection de la nature n’est pas seulement une profession ou un secteur particulier, mais une motivation et une façon de vivre dans le monde qui est pour tout le monde, et qui a besoin de tout le monde.
Où la défense de l’environnement vous a-t-elle mené ?
J’ai eu le privilège d’avoir une carrière qui a également été ma vocation et ma passion. Lorsque je terminais mes recherches de doctorat (1981 Tanzanie), j’ai participé à la découverte d’une nouvelle espèce d’oiseau, le Souimanga à ailes rousses ; j’ai trouvé la première femelle. Nous avons découvert de nombreuses espèces menacées dans la même région, et grâce à nos découvertes, l’endroit a été protégé sous le nom de parc national d’Udzungwa.
J’ai également travaillé avec Dame Georgina Mace (1953-2020) pour développer une nouvelle approche quantitative afin de déterminer le risque d’extinction des espèces. Il s’agit maintenant de la Liste Rouge et des Catégories et Critères de l’UICN. À l’époque, beaucoup de gens disaient que ce que nous essayions de faire n’était pas possible, ce qui semble étrange maintenant que plus de 150 000 espèces ont été évaluées selon ce système ! Ce que nous avons développé était basé sur des preuves publiées et donc contestables. Il a permis de briser les structures de pouvoir jusqu’alors opaques sur la façon dont les espèces étaient considérées comme menacées, et a eu des implications majeures tant sur le plan scientifique que social.
Quel est l’avenir du domaine de la Conservation ?
L’ensemble du paysage (jeu de mots) a changé au cours de ma carrière. La situation aujourd’hui est bien plus critique qu’il y a 40 ans. Si on prend par exemple l’énorme déclin dans les coraux – quand j’ai commencé à travailler, je n’avais même pas conscience du phénomène de blanchiment des coraux- et à présent nous anticipons leur extinction. Ceci ne veut pas dire que la Conservation en tant qu’activité de terrain a échoué. Jusqu’à un certain point, cela reflète que la somme d’argent dépensé pour détruire la nature (au travers des aides, par exemple) a été bien supérieur a tout effort de conservation.
En même temps, les décisionnaires ainsi que le public en général sont bien plus au fait de la Conservation. Il existe une diversité de perspectives et un plus grand nombre de personnes impliquées d’un tas de manières différentes.
J’aimerais voir la Conservation plus largement embrassée par l’ensemble de l’échiquier politique, et que nous puissions dépenser davantage dans la protection plutôt que dans la destruction de la nature. J’espère que nous parviendrons bientôt au stade où nous prioriserons collectivement la nature au détriment d’activités néfastes.
Que diriez-vous à une personne démarrant dans le métier de la Conservation ?
Bienvenu ! Prenez le temps nécessaire pour trouver votre place.
Je pense également que de bien comprendre ses propres valeurs est vital. Dans mon travail de préservation des espèces, je reste près de l’idée que l’extinction provoquée par l’homme est une indignation morale et inacceptable. J’ai pu observer le pouvoir des gens qui travaillent dans ce domaine, capables d’articuler les valeurs et principes qui sous-tendent leur travail. C’est une chose que tout le monde respecte.
Je lui dirai également de ne pas faire de son travail une poursuite individuelle. Le travail de conservation ne peut être réalisé qu’en communauté. Travailler ensemble avec d’autres est très important et vous protègera du désespoir.
Préserver l’environnement est-elle une activité sainte ?
La sainteté a pour signification d’honorer Dieu. La Création existe pour la gloire de Dieu, alors si nous pouvons préserver, restaurer et valoriser la création, cela honorera Dieu et la création à laquelle nous sommes reliés. Agir en faveur de l’environnement est être témoin de Dieu. Les actions ont plus de signification que la parole ; j’aime penser que le travail que nous accomplissons chez A Rocha nous permette de transmettre notre foi. Le travail que fournit A Rocha Ghana, par exemple, comme celui de résister aux droits acquis pour défendre la forêt Atewa, est un travail sacré et remarqué par les communautés laïques du monde de l’Environnement.
Les fins protectrices de Dieu trouvent leur pleine expression dans le renouveau de toutes les formes de vie que nous souhaitons ardemment. Je suis très heureux de savoir que mon travail n’a pas été uniquement « le mien », mais davantage une participation à l’immense tâche de Dieu.