Les jardiniers de Dieu
À quoi ressemblerait une vie en relation étroite avec la terre ?
Ronia et moi sommes à la station de lavage des légumes d’une ferme en Autriche. Des caisses remplies de carottes biologiques fraîchement récoltées sont empilées à côté de nous. L’odeur aromatique de ces racines colorées et parfois bizarres me monte au nez. Elles sentent bon, je trouve, et je ne peux m’empêcher de mordre immédiatement dans une carotte croquante. Ronia, une jolie jeune femme au sourire radieux, vit avec trente personnes de tous âges dans la communauté chrétienne du Bruderhof, sur un domaine agricole près de Retz. Pendant que nous lavons ensemble le tas de carottes pour les prochains jours de marché à Retz et à Vienne, nous avons tout le temps de bavarder. Fascinée, j’écoute Ronia me parler du Bruderhof Danthonia en Australie, l’endroit où elle a grandi.
Lorsque la communauté du Bruderhof s’y est installée en 1999, le terrain était brun et stérile. Après plusieurs décennies de culture conventionnelle, le sol s’était fortement dégradé. La couche arable fertile était érodée et seuls quelques arbres émergeaient des pâturages secs. Déterminés à nourrir leurs familles avec cette terre, ils ont suivi les conseils de leurs voisins et ont d’abord continué à pratiquer l’agriculture classique, notamment en utilisant des machines agricoles lourdes, des engrais synthétiques et des pesticides. Mais au bout de quelques années, ils se sont rendu compte que l’exploitation n’était pas rentable. L’état des sols ne cessait de se dégrader, tout comme dans les régions avoisinantes. De nombreux agriculteurs de la région étaient désespérés. À tel point que certains s’étaient même suicidés.
En 2006, sous la direction de Johannes Meier, ils ont commencé à se convertir progressivement aux principes de l’agriculture régénérative à Danthonia. Une approche régénératrice consiste à renouveler le sol, l’eau et la biodiversité en imitant les principes de la nature. Johannes Meier, le directeur de la ferme, a laissé le bétail paître selon un système de rotation sophistiqué, comme les troupeaux l’auraient fait dans la nature. Année après année, les membres de la communauté de Bruderhof ont enrichi leur sol avec du compost, qui abrite des micro-organismes bénéfiques. Ils ont également encouragé la diversité végétale sur leurs terres en semant des graines indigènes et en plantant des arbres. Beaucoup d’arbres.
En l’espace de quatre ans, la fertilité du sol a tellement augmenté qu’ils ont pu récolter deux fois plus sur les terres cultivées de manière régénérative que sur les terres conventionnelles, et ce malgré de fréquentes sécheresses ! En observant les écosystèmes naturels de l’Australie, ils ont également appris à conserver l’eau dans le paysage, de sorte qu’aucun cours d’eau ne s’est asséché, même pendant les années de sécheresse. La différence avec les régions voisines était visible : de leur côté de la clôture, c’était clairement plus vert.
Cela peut sembler un cliché, mais c’est vrai : les années de culture minutieuse ont transformé ce désert en une terre fertile, verte et riche. Cent mille arbres ont été plantés par les membres de la communauté au cours des dix-sept dernières années. « Cette histoire n’est pas juste la nôtre, c’est celle du monde entier. Il s’agit de savoir comment un paysage et un monde blessés peuvent être guéris en travaillant avec la nature, explique Johannes Meier. [1]
Si vous visitez la ferme Danthonia aujourd’hui, vous la reconnaîtrez à peine, car elle devient de plus en plus verte chaque année. Dans mon imagination, je vois ce paysage large et accueillant devant mes yeux. Parfois, nous avons planté des arbres avec notre classe. C’était tellement agréable de voir comment les arbres poussaient. Ronia interrompt mes rêveries et je peux voir la fierté dans ses yeux.
Pendant qu’elle parle, nous rangeons ensemble les carottes lavées dans des caisses propres. Ce faisant, je pense aux instructions données par Dieu à l’homme dans la Genèse 2:15 : Le Seigneur Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Eden pour qu’il le cultive et en prenne soin » (NIV). C’est ce que la communauté du Bruderhof à Danthonia a vraiment fait – garder et prendre soin du jardin du monde de Dieu. Le choix des mots est clair : nous ne devons pas seulement garder la création de Dieu saine et fructueuse, mais nous devons aussi la cultiver pour vivre de la terre – mais toujours en harmonie avec les bons principes de Dieu, avec un profond respect pour le Créateur et tous nos semblables. Travailler et préserver, l’un ne va pas sans l’autre.
Changer le monde dans votre assiette
Vous vous demandez peut-être ce que cette histoire a à voir avec vous. Après tout, très peu d’entre nous travaillent dans l’agriculture. Mais tout le monde doit manger. Vous et moi influençons le sol, les plantes, les animaux, les personnes, l’eau et l’air dans le monde entier par les décisions que nous prenons concernant notre alimentation. Comme l’écrit Johannes Meier :
« Nous devons avoir l’humilité de reconnaître notre propre responsabilité dans le gâchis que nous avons créé sur cette planète. L’avidité et la demande dirigent les marchés – l’agriculture industrielle a beaucoup à se reprocher à cet égard. Mais en tant que consommateurs, chacun d’entre nous est complice des catastrophes écologiques mondiales actuelles. La question est donc de savoir si je me sens suffisamment concerné pour changer mon mode de vie. » [1]
Je pense que vous et moi sommes suffisamment concernés. Mais peut-être que, comme moi, vous vous demandez comment nous pouvons, en tant qu’individus et en tant que société, pratiquer l’agriculture selon le cœur de Dieu ? Comment Dieu envisage-t-il notre relation avec la terre ?
Tout ce que nous avons à faire, c’est de nous en souvenir. Car, dès l’instant où Dieu a formé l’homme à partir de la terre, il a créé en nous un lien inséparable avec la terre. Je crois fermement que Dieu nous a créés pour vivre en étroite relation avec sa création. Si nous n’avons pas ce contact quotidien avec la nature, cela n’a pas seulement des conséquences négatives sur la manière dont nous traitons l’environnement. Sans ce lien, notre âme et notre corps manquent également de quelque chose d’essentiel. Et je crois que notre relation avec Dieu souffre également de cette aliénation de sa création.
Nous sommes créés pour vivre en harmonie avec la Terre. Cela est profondément ancré en nous. Cependant, nous l’avons oublié à cause de la chute : nous nous sommes éloignés à la fois de Dieu et de sa création. Mais Dieu réveiile notre mémoire. Ce que nous avons toujours su défile ligne par ligne dans sa Parole. Nous aussi, tout comme les Israélites à l’époque, nous sommes mis au défi de réapprendre le langage de la création et de vivre en harmonie avec elle. Nous pouvons apprendre cela en vivant en étroite communion avec le Créateur : ceux qui se tournent vers Dieu et se familiarisent avec la nature apprendront à vivre en équilibre avec elle. Nous pouvons aussi nous tourner vers la Bible et rappeler les principes de Dieu sur la manière dont nous sommes censés traiter l’environnement.
Personne ne peut vous enseigner cette proximité avec Dieu et sa création. Vous ne pouvez l’apprendre qu’en passant du temps en présence de Dieu et dans son monde magnifique. Vous vous rendrez certainement vite compte que la proximité de Dieu est encore plus tangible dans la nature. Vous pouvez apprendre le langage de la création en observant les oiseaux et les fourmis, en ramassant des herbes et des fruits, en respirant l’air de la forêt et de la mer, en écoutant les chants de joie et les plaintes de ses créatures. Ou en laissant entrer un chien dans votre vie, comme moi. Bien sûr, il ne s’agit pas nécessairement d’un animal de compagnie, mais je vous encourage à vous engager consciemment dans cette expérience et à apprendre le langage de la création. Nous avons besoin d’enfants de Dieu qui comprennent ce langage. Et qui l’appliquent ensuite dans tous les aspects de la vie et de la société.
Ceci est un extrait du premier livre de Naomi sur le soin de la création (publié en allemand en septembre 2023) : Und dennoch pflanze ich einen Garten : Wie wir in der Umweltkrise Samen der Hoffnung säen (em français, ça serait « Et pourtant, je plante un jardin : comment nous pouvons semer des graines d’espoir dans la crise environnementale »). Le livre est disponible ici et partout où l’on vend des livres.