2 janvier 2017 | Dave Bookless | 0 commentaires

Le temps du souvenir… et de la restauration

Le 11 novembre est une journée du souvenir dans de nombreux pays du monde (« Veterans Day » aux États-Unis), une journée où l’on se remémore les horreurs et les sacrifices des deux guerres mondiales et d’autres conflits. Récemment, j’ai visité le mémorial de la Porte de Menin et le cimetière militaire de Tyne Cot, à côté d’Ypres (Belgique). Des dizaines de milliers d’hommes y sont listés ou enterrés, la plupart dans des tombes sans nom avec l’inscription « Connu de Dieu seul ». Nous avons appris que, un siècle après les batailles qui ont défiguré la région, il arrive encore que les paysans déterrent des restes humains et des tonnes de pièces d’artillerie.

Des coquelicots en fleur dans les marais d’Aammiq, au printemps. Dans la culture anglo-saxonne, cette fleur est associée à la commémoration de l’armistice.

Des coquelicots en fleur dans les marais d’Aammiq, au printemps. Dans la culture anglo-saxonne, cette fleur est associée à la commémoration de l’armistice.

Le cimetière était beau en cette journée ensoleillée d’automne, bien ordonné et entretenu avec amour, et la ville d’Ypres parfaitement reconstituée pour lui redonner son air d’avant-guerre. Malgré tout, une atmosphère lourde me déchirait le cœur, qui semblait plus forte que la mémoire collective. Les rangées de pierres tombales blanches, les cars scolaires, le fait que l’économie locale dépend du tourisme de guerre (« Chocolat belge en vente ici ! » et excursions avec les bus « Over the Top »*), tout cela contribue, mais il y a autre chose de plus profond. Comme le suggère le roman de Sebastian Faulk, Birdsong, la nature elle-même semble réagir aux horreurs du carnage et de la guerre.

*Un jeu de mots: “Over the top” signifie au même temps « très bon » et « sur le sommet de la colline »

Les chrétiens bibliques ne devraient pas être surpris. Après que Caïn a tué Abel, la voix du sang de son frère en appelle à Dieu depuis la terre, et celle-ci ne donne plus autant de richesses (Genèse 4:10–12). Job conclut son discours final à Dieu en disant :

Si mes terres m’ont accusé,
Si j’ai fait pleurer leurs sillons,
Si j’ai joui de leurs produits sans les avoir payés.
Et si j’ai opprimé ceux qui s’en occupaient,
Alors qu’au lieu de blé, il y pousse des ronces,
Et des orties à la place de l’orge
. (Job 31:38–40)

Job reconnaît l’alliance qui rattache le peuple, Dieu et la terre. Le sol, tout comme les plantes et les créatures qui y habitent, n’est pas une entité inanimée mais une partie intrinsèque de la communauté de la création. Depuis les Lumières, leur scientisme et leur rationalisme, nous nous voyons comme séparés de la nature, comme des sujets devant des objets. Cela nous a permis d’analyser, de dominer, et d’exploiter… mais à quel prix ? Il nous faut retrouver ce qu’Aldo Leopold appelait l’« éthique de la terre », soit ce que la plupart des cultures traditionnelles ont toujours connu, et que révèlent les études environnementales : tout est connecté à un niveau très profond. C’est ce qu’Osée exprime quand il écrit que quand « Les meurtres s’ajoutent aux meurtres », le pays « sera dans le deuil », et les bêtes, les oiseaux et les poissons souffriront aussi  (Osée 4:1–3).

Il semble donc que les lieux ont une mémoire et peuvent porter l’histoire de ce qui s’y est passé. Là où le sang innocent est versé, il reste une malédiction. Les villes ont peut-être une relation particulière avec leur histoire militaire, politique et religieuse (Apocalypse 2–3). Les lieux où l’on prie depuis des siècles, que ce soit une église ou bien une île, ont parfois une atmosphère de paix où l’on sent la présence de Dieu, à peine dissimulé derrière un voile imperceptible.

Et pourtant il ne s’agit pas simplement de lieux « bons » ou « mauvais ». Inutile de se montrer fataliste. Une malédiction peut être rompue. Une histoire blessée peut être restaurée. (Ce sujet est d’ailleurs longuement abordé dans le livre de Russ Parker Healing Wounded History : Reconciling Peoples and Healing Places. Éd. Londres, 2001 : Darton, Longman & Todd). La bible parle de guérir le pays quand le peuple se repent et retourne vers Dieu (2 Chroniques 7:14). En cette saison du souvenir, les anciennes batailles nous reviennent à la mémoire et le sang est à nouveau versé sur la terre de Syrie, d’Irak et d’ailleurs, et je me rappelle le travail d’A Rocha, dans la plaine de la Bekaa, l’une des régions du monde les plus déchirées par la guerre. Là, pendant de nombreuses années, A Rocha a œuvré pour la faune et la flore, et restauré une oasis pour que des gens de divers horizons se rencontrent. Je me souviens de la promesse de Dieu en temps de guerre et d’injustice :

Car le palais est déserté, et la ville animée abandonnée,
Et la citadelle avec la tour de guet servira de caverne à tout jamais.
Et les ânes sauvages y prendront leurs ébats, les troupeaux y paîtront.
Il en sera ainsi jusqu’à ce que l’Esprit soit répandu sur nous d’en haut, et alors le désert deviendra un verger, et le verger sera semblable à la forêt.
Le droit habitera dans le désert, et la justice dans le verger.
Le fruit de la justice sera la paix.
L’effet de la justice, ce sera la tranquillité et la sécurité à tout jamais.
Mon peuple habitera un domaine de paix dans des demeures sûres, dans des maisons tranquilles.
La forêt tombera, abattue par la grêle, et la cité tombera au plus bas.
Bienheureux serez-vous : vous sèmerez partout le long d’eaux abondantes et vous pourrez laisser les bœufs comme les ânes en liberté
. (Ésaïe 32:14–20)

Les gens : nous nous en souviendrons.

Les lieux : nous nous associerons à Dieu pour les restaurer.

Traduction : Nadia Pazolis-Gabriel

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Catégories: Réflexions
Mots clés: Belgique guerre Irak Syrie
Sur Dave Bookless

Dave Bookless : engagé à A Rocha depuis 1997, cofondateur (avec sa femme Anne) d’A Rocha Grande-Bretagne en 2001, il est actuellement Directeur pour la Théologie et les Eglises d’A Rocha International. Auteur et conférencier, il a une passion pour partager les enseignements de la Bible dans les cultures d’aujourd’hui. Il a participé à la rédaction de nombreux livres et a lui-même écrit «Planetwise – Dare to Care for God’s World» et «God Doesn’t do Waste». Il travaille à temps partiel à un doctorat de l’Université de Cambridge sur la théologie biblique et la sauvegarde de la biodiversité. Ayant grandi en Inde, il habite avec sa femme et ses 4 filles à Southall, une banlieue multiculturelle de Londres, où il partage le pastorat d’une église anglicane multiraciale et essaie avec sa famille de vivre de la manière la plus durable possible. Il est aussi ornithologue (bagueur certifié) et aime les oiseaux, les montagnes et les îles.

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