15 août 2016 | Ruth Valerio | 0 commentaires

Dieu le Père, mère Nature et un triton pour mon anniversaire

Ruth's newt

Le jour de mon anniversaire, j’ai reçu la visite d’un mignon petit triton. Bon, c’est vrai, je ne suis pas sûre que sa visite était vraiment délibérée. Mon mari, Greg, était en train de vider l’étang lorsqu’il l’a découvert, là, reposant dans la boue. C’était le premier triton que nous observions dans notre jardin, alors Greg nous a appelés pour venir le voir de plus près.

Ce qu’il n’avait pas réalisé, c’est que les tritons ont une place toute particulière dans mon cœur. Lorsque j’étais petite, l’étang d’un jardin voisin en regorgeait, et je passais souvent des heures seule, assise au bord de l’étang, à les regarder remonter et flotter à la surface de l’eau.  Je les attrapais, les tenais dans ma main, et entrais à ma manière toute particulière en communion avec eux.

C’est pourquoi j’ai éprouvé un réel bohneur en voyant ce petit triton apparaître le matin de mon anniversaire, comme si mère Nature m’avait offert son propre cadeau d’anniversaire, un présent qu’elle savait cher à mon coeur.

Dans ma joie, j’ai tweeté et posté la photo présente au début de cet article, accompagnée d’une note remerciant mère Nature pour mon cadeau d’anniversaire. J’ai été assez amusée de me faire gentiment réprimander par quelqu’un qui se demandait si j’avais basculé dans le paganisme et pourquoi je n’avais pas remercié Dieu le Père à la place ?

Ce commentaire m’a fait réfléchir : est-ce une mauvaise chose d’attribuer une personnalité ou une volonté au monde inanimé ? Est-ce faux de penser que je peux m’adresser à la terre de quelque manière que ce soit ? Cela me conduit-il inévitablement au paganisme ?

Bien sûr, nous considérons de manière générale que toute créature possède une sensibilité, une personnalité et une volonté, au contraire de Descartes qui était convaincu que les animaux n’étaient rien d’autre que des machines. Quand la chienne de ma sœur nous apporte un bâton, nous lui disons merci et lui donnons une caresse amicale. Et lorsque ma fille mange une banane le soir, notre lapin en veut aussi et se met à sautiller et à la rouspéter jusqu’à ce qu’il reçoive un morceau. Mais qu’en est-il des éléments inanimés de la nature ?

Il est intéressant de constater, même si nous ne le remarquons pas toujours, que la Bible semble ne pas hésiter à considérer que le monde inanimé possède une certaine forme de volonté. « Les arbres, les montagnes et les collines éclateront d’allégresse devant vous, et les arbres de la campagne battront des mains lorsque le peuple d’Israël fera ce qui est juste et écoutera la voix de l’Eternel » (Esaïe 55). Quant aux Psaumes, ils dépeignent les mulitples façons dont la nature, aussi bien animée qu’inanimée, rend gloire à Dieu par des louanges (le Psaume 148 en est l’exemple le plus flagrant). Et cela ne s’arrête pas aux choses individuelles ; la Bible dit que le pays est dans le deuil à cause des mauvais agissements du peuple d’Israël (Jér.12 :4 ; Os.4 :1-3) et la création toute entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. S’agit-il purement d’une métaphore poétique ? Peut-être… je n’en suis pas si sûre.

Et puis, cette semaine, j’ai été intriguée en chantant le cantique “Toutes les créatures de notre Dieu tout puissant”, à la cathédrale de Birmingham, où je prêchais. Je suis sûre que vous connaissez ce cantique: c’est un grand classique que personne ne semble juger peu orthodoxe. Et là, juste au début de la deuxième strophe, étaient inscrits ces mots : « Chère mère Nature, toi qui jour après jour déploie tes bénédictions sur notre chemin ». Nous voilà chantant en hommage à mère Nature, comme s’il elle était une entité qui pouvait agir de son propre chef, sans que personne ne sourcille !

Ce chant est basé sur le « Cantique des Créatures » de Saint François d’Assise (lui-même basé sur le psaume 148). Ce n’était pas un problème pour lui de s’adresser aux différents éléments de la nature, aussi bien animés qu’inanimés qu’il considérait comme ses frères et sœurs.

C’est dans cette tradition que notre pape actuel s’inscrit, et c’est une caractéristique notable de son encyclique « Laudato Si » (Loué sois-tu). En effet, il commence le tout en citant le cantique de Saint François d’Assise : « Loué sois-tu Seigneur, pour sœur notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe ». Juchés sur les épaules de ces géants, nous sommes nombreux, chrétiens, à redécouvrir notre relation attentionnée avec le reste de la création, et à y trouver une source d’humilité et d’inspiration.

Le pape François poursuit en déclarant : “Nous oublions que nous-mêmes, nous sommes poussière. Notre propre corps est constitué d’éléments de la planète, son air nous donne le souffle et son eau nous vivifie comme elle nous restaure”. Est-ce aller trop loin que de penser que nous pouvons également recevoir d’autres présents de sa part, telle que l’apparition d’un triton le jour de mon anniversaire ?

Non, ce n’est pas du paganisme. Cette manière de penser est fermement ancrée dans la foi en un Dieu qui sauve, qui soutient, un Dieu rédempteur et créateur. Il s’agit là d’une compréhension plus profonde de notre place parmi la vaste communauté de la création (pour citer la belle phrase de Richard Bauckham), et d’une meilleure appréciation de notre besoin de vivre en harmonie en son sein, notre maison commune.

Initialement publié sur le blog de Ruth

Traduction : Patricia Roth / Valérie Coudrain

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Catégories: Réflexions
Sur Ruth Valerio

Ruth détient un doctorat sur le domaine de simplicité et consommation. Elle développe la réflexion théologique qui soutient les activités d’A Rocha Royaume-Uni, et est coordinatrice de son groupe d’orateurs. Ruth est mariée avec Greg et ils habitent à Chichester avec leurs deux filles. Son blog se trouve à ruthvalerio.net.

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