30 October 2017 | Robert Sluka | 1 commentaires

L’attente de l’ouragan Irma

Notre responsable scientifique pour le programme de conservation marine et côtière, Dr Bob Sluka, livre le récit de son expérience de l’attente de l’ouragan Irma en septembre 2017.

Notre famille a vécu à l’étranger durant les 21 dernières années et a déménagé en Floride  – une semaine avant que l’ouragan Irma frappe la région. Visiblement, au mauvais moment. Cependant, vivre cette expérience en famille a été une bonne chose. Ce n’était pas non plus notre première expérience d’un ouragan – Bob et Cindy ont vécu Andrew [en 1992] lorsqu’ils étaient à l’université de Miami. Pour Irma, les informations étaient bien plus nombreuses – et par conséquent l’attente bien plus longue.

Nous avons suivi, jour après jour, les minuscules changements reportés dans la trajectoire et l’intensité de l’ouragan. Fait intéressant, vu sous l’angle de la communication scientifique, les chaînes de télévision de la région de Tampa Bay ont présenté la trajectoire projetée par environ 10 modèles – elles ont appelé ceci la « trajectoire spaghetti ». Même si l’accent a été mis sur les principaux modèles européens et américains, la différence entre les modèles et la grande difficulté de faire des prédictions à long terme. Pourtant, elles l’ont fait et nous avons attendu.

Le jeudi précédant l’arrivée de l’ouragan, nous avons décidé de fêter le 14e anniversaire de ma fille et de faire quelques heures de route vers le nord pour une descente en bouée sur la Rainbow River. L’État de Floride jouit de sources extraordinairement claires, dont l’eau douce est filtrée naturellement par les roches calcaires, et qui servent de refuge aux lamantins durant l’hiver. A notre arrivée, la descente en bouée était fermée et nous avons décidé de nous baigner et d’essayer d’apercevoir des alligators, comme le suggéraient les panneaux. J’avais oublié qu’il y avait aussi des ours en Floride – mais les panneaux le long de la route nous l’ont rappelé lorsque nous avons traversé leurs habitats. Par chance, nous avions fait le plein de la voiture quelques jours auparavant, car presque toutes les stations-services étaient à court de carburant, à l’exception de quelques-unes devant lesquelles 20 à 30 véhicules faisaient la queue en attendant de pouvoir remplir leur réservoir.

Nous sommes retournés chez nous et avons continué à regarder les trajectoires spaghetti et à attendre. Nous avions heureusement décidé de ne pas attendre dans les longues files de véhicules qui essayaient de quitter l’état. Notre maison se trouvait à une altitude relativement élevée (4,2 m) et à environ 1,5 km à l’intérieur des terres, de sorte que nous nous sentions suffisamment en sécurité pour ne pas nous en aller. Nous avons commencé à nous préparer sérieusement en transportant à l’intérieur tout ce qui était susceptible de s’envoler. J’ai été chargé de rentrer les mangeoires du jardin arrière, l’une d’elles se situant à proximité d’un bois marécageux. Après avoir contrôlé l’absence d’alligators, j’ai appuyé l’échelle contre le tronc et détaché la mangeoire. Nous avons vainement essayé de trouver de l’eau dans les commerces locaux, mais tous les stocks étaient épuisés depuis la veille. Nous avons alors cherché dans la maison tout ce qui pouvait servir de récipient et les avons remplis d’eau. Tous les documents importants ont été placés dans des sacs étanches, après les avoir photographiés et téléchargés au cas où. Nous avons sorti du garage toutes nos valises et nos malles pleines de matériel océanographique, afin de pouvoir mettre les voitures à l’abri. Puis nous avons continué à regarder la TV et à analyser la trajectoire de l’ouragan.

Les informations venaient maintenant des Caraïbes et montraient la dévastation. Les Keys (îles en Floride) étaient en train d’être évacuées, puis les trajectoires ont commencé à se déplacer vers la côte ouest de la Floride – avec l’œil du cyclone passant presque au-dessus de la maison où nous nous trouvions ! À ce moment, il était trop tard pour partir, mais nous nous sentions en paix et en sécurité du haut de nos 4,2 m. La plus grande préoccupation des enfants étaient de savoir si nous avions leur collation favorite – les pizza rolls de la marque Jeno, pour ceux qui connaissent.

Nous n’avions plus qu’à attendre. Le samedi, le soleil brillait et nous nous sommes baignés à la piscine municipale – en compagnie du mobilier de terrasse et des chaises. Les longueurs étaient hasardeuses, mais l’eau était fraîche et le jacuzzi bien chaud. Les enfants ont décidé que la soirée se passerait devant la un film tragique avec du popcorn. Les magasins avaient tous fermés leurs portes vers midi – tout ce qui nous restait à faire était d’attendre. Heureusement, j’avais eu l’idée d’emprunter un bon nombre de livres intéressants à la bibliothèque. Nous nous promenions dans les alentours ce soir-là, lorsque le vent a commencé à s’intensifier, l’ouragan se profilait à l’horizon. Nous avons discuté avec plusieurs voisins qui étaient aussi restés, tous évaluant nos chances. Nous avons examiné les panneaux solaires sur notre toit et pensé qu’il n’allait rien leur arriver – étonnamment, peu de maisons en sont équipées dans l’État du soleil.

Le dimanche matin suivant, la plupart des églises annulèrent leur service. Nous avons fait quelques préparatifs de dernière minute, mais surtout attendu. Les prévisions pour notre secteur montraient que l’ouragan frapperait certainement bien plus au sud, donc qu’il allait sans doute ralentir et causer moins de dommage que prévu initialement – au moins pour nous. La pluie a commencé à tomber et j’ai rapidement terminé un rapport sur le programme marin pour la réunion de notre équipe A Rocha prévue la semaine suivante, juste au cas où je n’aurais plus la possibilité de m’y remettre pendant quelques temps. J’ai donc bouclé et envoyé par courriel ceci et quelques autres travaux « critiques » de dernière minute.

Le vent et la pluie ont commencé à s’intensifier sérieusement plus tard dans l’après-midi. Notre famille aquatique n’avait plus qu’une chose à faire – plonger dans la piscine et profiter du jacuzzi ! Nous avons enfilé nos maillots de bain et parcouru à pied les quelques centaines de mètres nous séparant de la piscine municipale. Une pluie battante tombait pendant que nous nagions au milieu des chaises longues, mais à l’abri du vent. Les palmiers entourant la piscine s’agitaient de plus en plus fortement et nous nous sommes réfugiés au chaud dans le jacuzzi. Ne voulant pas prendre trop de risques et notant la présence de lignes électriques juste derrière nous, nous sommes retournés à la maison pour un dernier repas avec électricité (pizza, bien sûr). Un autre film tragique était au programme ; il était si mauvais que nous avons été plutôt contents lorsque la panne d’électricité est survenue au milieu du film.

Armés de bougies et de lampes de poche, nous nous sommes tous rassemblés dans la véranda grillagée à l’arrière de la maison. Sans doute pas le meilleur endroit pour se protéger du vent, mais nous étions abrités par un toit assez solide et relativement proches de la forêt. Nous pouvions entendre le vent et la pluie, et les arbres qui s’agitaient/se brisaient. Notre fils aîné a apporté sa guitare et nous a entraînés dans un chant. J’ai surtout écouté mon fils jouer et les autres chanter. Finalement, le sommeil nous a gagnés et nous sommes allés nous coucher, sans oublier bien sûr l’obligatoire lecture d’Harry Potter.

Nous avons réglé nos réveils à 2 heures de matin, car c’est à ce moment que l’œil du cyclone devait être le plus proche. Les vents étaient violents quand nous nous sommes réveillés, mais la fatigue nous a vite ramenés à nos lits. Nous nous sommes à nouveau réveillés avec la lumière du jour et constaté que le voisinage avait été épargné par le gros de la tempête. Apparemment, un grand travail de nettoyage des petites branches et feuilles de palmiers nous attendait, mais aucun dommage important. Les panneaux solaires avaient résisté. Nous avons été reconnaissants en nous rappelant les semaines de nettoyage qui avaient été nécessaires après le passage de l’ouragan Andrew, mais nous avons aussi réalisé que d’autres, plus au sud, n’avaient pas eu autant de chance. Nous avons passé la journée à nettoyer et à aider d’autres voisins à faire de même. Puis, inévitablement, nous sommes retournés à la piscine. Mais cette fois pour sortir les meubles et commencer à débarrasser la piscine de toutes les feuilles accumulées. Des millions de personnes n’avaient plus d’électricité, la nôtre s’est rétablie rapidement.

Se préparer était important – la situation aurait pu être, et l’a été pour beaucoup, bien pire. En écrivant ceci, j’écoute Foggy Road de Burning Spear. Ça semble approprié, aussi bien pour l’attente de l’ouragan que pour le chemin qui nous reste à parcourir dans ce nouveau départ en Floride. Nous sommes reconnaissants d’avoir des amis, une famille et un Créateur qui nous aiment.

Image satellite de la NASA. Autres photos par Bob Sluka.

Traduction: Valérie Coudrain

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Catégories: Histoires
Mots clés: États-Unis tempêtes
Sur Robert Sluka

Robert D Sluka, Ph.D., dirige le programme de conservation marine d'A Rocha. C'est un explorateur curieux, qui applique des solutions pleines d'espoir, optimistes et holistiques à tout ce qui nuit à nos océans et aux communautés qui en dépendent. Les recherches de Robert se concentrent sur la conservation de la biodiversité marine, la pollution plastique et la pêche, en particulier les aires marines protégées. Son objectif ultime est de glorifier Dieu en transformant les océans et les communautés grâce à une conservation marine holistique.

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One response to “L’attente de l’ouragan Irma”

  1. […] sur les côtes de Floride (vous pouvez découvrir ce qu’il a vécu en lisant cet article, L’attente de l’ouragan Irma). Et c’est bien de manière personnelle que, en tant que chrétiens et que concitoyens sur la […]